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APPENDICE

et l’imagination en France. Ce ne sont pas des produits nationaux, mais plutôt les dérèglements et les gestes fous d’une nation fine et nerveuse, intoxiquée par le pesant alcool d’idées étrangères à demi-barbares. Tout ce qui, dans les lettres, en procède, même grandiose, est frelaté, même génial, est de mauvais goût, se force et ment. Il faut suivre dans la monumentale cohue de nos génies littéraires depuis Rousseau, parmi les piliers de stuc colossaux, surchargés, vaniteux, emphatiques, dont l’énormité assemble la foule, la voie de marbre pur et solide, autrefois royale, aujourd’hui délaissée et presque secrète, mais où l’on est du moins assuré de cheminer avec les meilleurs. « Il y a une France du goût, dit Nietzsche, mais il faut savoir la trouver. » Et ailleurs : « Il y a toujours eu en France le « petit nombre » et cela a rendu possible une musique de chambre de la littérature qu’on chercherait vainement dans le reste de l’Europe », enfin une littérature de purs psychologues. De tous nos modernes, ne devine-t-on pas que le préféré de Nietzsche ne pouvait être que Stendhal, ce Stendhal dont l’Allemagne hier encore ignorait jusqu’au nom !


II


Ces vues de Nietzsche sur la littérature française et la vocation intellectuelle des Français sont éparses dans cent endroits de son œuvre. Il n’en