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Page:Lasserre - La Morale de Nietzsche.djvu/148

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PIERRE LASSERRE

est pas de plus caractéristiques de son tour de pensée. Quel accueil trouveront-elles en France ? Y seront-elles comprises comme un paradoxe ou comme une leçon qui vient à son heure ? Ne nous livrons pas au jeu des prévisions. Le lecteur nous saura sans doute beaucoup meilleur gré, après lui avoir fait connaître quelque chose des jugements de Nietzsche sur l’originalité et les traits inimitables de notre nation, de lui présenter les plus significatives des opinions émises sur Nietzsche du côté français, l’état de notre critique à l’égard du Nietzschéisme. Il n’est pas brillant. La gloire de Nietzsche en France aura eu des commencements assez piteux.

Je ne sais pas dans quelle gazette — « grand journal » ou « revue jeune », — Nietzsche fut mentionné pour la première fois. Mais je connais le nom d’un des premiers admirateurs français de son génie : Taine. Nietzsche avait adressé à celui qu’il proclamait « le premier des historiens vivants » un exemplaire de Par delà le Bien et le Mal. Et sans doute il eut lieu de se sentir compris. Car il pria Taine de le mettre en relation avec une personne capable de traduire ses livres et d’initier un peu le public. Taine recommanda à Nietzsche un homme de lettres qui fait connaître aux lecteurs de quelques périodiques importants les nouveautés philosophiques. Une correspondance s’établit entre Nietzsche et son futur interprète ; elle doit être bien curieuse ; un jour ce dernier