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LES IDÉES DE NIETZSCHE SUR LA MUSIQUE

opposait un invincible obstacle à l’expansion de sa puissance interne, elle la dénaturait.


Mettre la musique au service d’un enchaînement d’images et de concepts, en user comme d’un moyen pour y ajouter plus de force et plus de clarté, cette étrange prétention, contenue dans le concept de l’« opéra », me fait penser au ridicule personnage qui essaye de s’élever en l’air par la seule aide de ses bras : ce que tente cet insensé et ce que tente l’opéra, ainsi conçu, est pure impossibilité. Cette conception de l’opéra n’exige pas qu’on use mal de la musique, elle lui demande, comme je le disais, l’impossible. La musique ne peut jamais devenir moyen, de quelque façon qu’on la secoue, qu’on la pressure, qu’on là tourmente[1].


Comment la musique s’acquitte-t-elle d’une obligation au-dessus ou plutôt en dehors de sa puissance ? Au moyen d’un symbolisme conventionnel dans lequel la convention a desséché toute sève naturelle et où la musique exténuée n’est plus qu’un memento[2]. Nietzsche fait allusion à l’étroite nécessité qui ne laisse au compositeur d’opéra d’autre ressource pour avertir le

  1. T. IX, p. 225.
  2. Ibid., p. 227.