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LES IDÉES DE NIETZSCHE SUR LA MUSIQUE


états incompatibles, il vaut mieux que le passage ou la chute de l’un à l’autre soit chez le spectateur le moins brusque, le moins marqué possible ; et c’est à quoi conviendra un drame sans portée auquel on n’aura demandé que la qualité négative de n’être pas ridicule.

En principe, le genre traditionnel de l’opéra est condamné par Nietzsche, parce qu’il prétend faire de force de la musique ce qu’elle ne peut pas être : un art d’imitation. En fait, les meilleurs opéras offensent sa raison esthétique par leur constitution essentiellement hybride, et absolument exclusive de l’unité d’impression.


Cette alternance de discours passionnés, émouvants, bien que chantés à moitié seulement, et d’exclamations complètement chantées, qui est dans l’essence du stilo rappresentativo, les brusques fluctuations de cet effort qui s’évertue il agir tantôt sur l’intelligence et l’imagination, tantôt sur le fond musical de l’auditeur, sont quelque chose de si anti-naturel, de si intimement contradictoire aussi bien à l’instinct esthétique dionysiaque qu’à Fapollinien, que l’on en doit conclure que le récitatif [entendez : l’opéra tra-