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LES IDÉES DE NIETZSCHE SUR LA MUSIQUE


caractéristique de l’art Moderne ne se rapproche-t-elle pas étrangement de celle qu’il appliquait tout à l’heure à l’art de Wagner ?

Une des idées sur lesquelles Nietzsche insiste le plus dans Richard Wagner à Bayreuth, c’est que Wagner, par son inspiration, est l’interprète de l’âme populaire, cette réserve de poésie et de génie d’une société tyrannique et factice, et par là le libérateur et l’éducateur du « peuple ».


Il était devenu révolutionnaire par pitié pour le peuple. Dorénavant il l’aima et aspira vers lui comme il aspirait vers son art, car, hélas ! en lui seul, en ce peuple disparu, dont on ne pouvait presque plus se faire une image, artificiellement dérobé au regard, il voyait maintenant l’unique spectateur et auditeur seul digne, de la puissance de l’œuvre d’art qu’il rêvait et seul capable de la sentir[1].

Tandis qu’il avançait en silence sa grande œuvre et ajoutait partitions à partitions, il se passa quelque chose qui lui fit prêter l’oreille : les amis vinrent lui annoncer un mouvement souterrain d’un grand nombre d’âmes — ce n’était pas encore le « peuple » qui s’agitait et s’annonçait ici, il s’en fallait de beaucoup,

  1. R. W. in B., p.550.