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Page:Lasserre - Les Idées de Nietzsche sur la musique, 1907.djvu/213

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LES IDÉES DE NIETZSCHE SUR LA MUSIQUE


cette dualité des thèmes générateurs et beaucoup d’artistes considèrent que ce n’est pas là une condition conventionnelle, locale, de l’art symphonique, comme l’unité de temps et de lieu de notre ancienne tragédie, mais une condition dictée par la raison et la nature des choses, comme l’unité d’action dans le drame.) Beethoven, poursuit Nietzsche, fit le premier parler à la musique un nouveau langage, le langage jusque-là interdit de la passion. Mais parce qu’il se sentait encore justiciable de la forme traditionnelle, il souffrit d’une contradiction radicale entre ce qu’il voulait dire et la langue dans laquelle il pouvait le dire. Car la passion est essentiellement dramatique, elle lutte contre l’âme entière et contre soi-même, elle retombe de l’exaltation à la dépression ; elle espère et désespère, supplie et repousse, adore et maudit. L’ancienne forme était moulée sur la courbe régulière ou majestueuse d’une disposition d’âme capable de constance et de fidélité soutenue à soi-même. Nietzsche explique avec autant de bonheur que de