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LES IDÉES DE NIETZSCHE SUR LA MUSIQUE


cure, et qui serait sans doute engagée dans cette émotion créatrice, ce trouble fécond qui précède l’invention et qui est d’ailleurs un fait psychologique indéniable.

Une telle conception renverse complètement le rapport que nous avons dit exister entre l’émotion et l’invention. Nous avons dit que l’émotion est la « matière » et l’invention la « forme », l’une le « moyen », l’autre la « fin », l’une le sourd travail de la germination, l’autre le fruit, que l’intérêt de l’obscure et complexe activité psychique qui a préparé l’avènement de l’idée est éclipsé ou plutôt annulé par l’idée elle-même au prix, au sens, à la beauté de laquelle la connaissance que nous pourrions avoir de sa genèse subjective n’ajoute rien, tant s’en faut ! Ainsi les efforts tâtonnants de méditation par lesquels un géomètre ancien parvint à imaginer le théorème du carré de l’hypoténuse n’entrent pour rien dans la substance de ce théorème, lequel, dès lors qu’il est démontré, n’existe qu’en vertu de sa vérité objective.