pénétrer dans l’essence de la tragédie grecque…
Et encore devons-nous déjà nous estimer heureux
quand, par cette expression de « sérénité grecque »,
que tout le monde va répétant, on n’entend pas tout
bonnement « sensualisme facile » ; c’est dans ce sens
que l’a fréquemment employée Henri Heine, et toujours
avec un soupir de regret. Mais pour ceux qui ne
savent admirer que la transparence, la clarté, la précision,
l’harmonie de l’art grec, et qui s’imaginent,
parce qu’ils se sont mis sous l’abri du modèle grec,
avoir réglé leur compte avec tout ce qu’il y a d’horreur
dans l’existence… pour ceux-là, il faut les convaincre
que c’est en partie de leur fait propre, si le
fond de l’art grec leur paraît plat, mais en partie aussi
du fait de la nature intime de la susdite sérénité grecque
elle-même : sous ce rapport je voudrais donner à
comprendre aux meilleurs d’entre eux qu’ils sont dans
la situation de gens qui, regardant dans l’eau d’un
lac très limpide et pénétré de soleil, ont cette illusion
que le fond du lac est tout proche, qu’on pourrait l’atteindre
avec la main. À nous l’art grec a appris qu’il
n’y a pas de surface vraiment belle sans une profondeur
effrayante[1].
Il est certain que, de tous les genres d’art grec, la tragédie est celui qui porte la plus forte
- ↑ T. IX, p. 137.