Aller au contenu

Page:Lasserre - Les Idées de Nietzsche sur la musique, 1907.djvu/96

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
88
LES IDÉES DE NIETZSCHE SUR LA MUSIQUE


empreinte d’un pessimisme originel. La tragédie grecque est enveloppée de pessimisme ; c’est, pourrait-on dire, son thème général de nous montrer les calculs et les motifs que la sagesse humaine a lieu de tenir pour les meilleurs et les plus justes, déjoués, tournés en agents de ruine par la cruauté, l’ironie ou l’indifférence de puissances supérieures qui suivent d’autres lois incalculables pour l’homme. « L’aveuglement de l’homme, dit M. Maurice Croiset, croyant voir le mal où est le bien et préparant sa propre perte par les moyens mêmes qui lui paraissent assurer son succès, voilà ce qu’on peut appeler l’essence de la tragédie[1]. » Non seulement, ajouterons-nous, de la tragédie grecque, mais du tragique en général. C’est exactement la conception que Gœthe s’en est faite. Nietzsche s’en inspire en de très saisissantes analyses de l’Œdipe et du Prométhée.

Cette philosophie pessimiste n’empêche pas Sophocle de se montrer fidèle observateur de

  1. Histoire de la littérature grecque, t. III, p. 27.