Page:Latocnaye - Promenade d un Francais dans la Grande Bretagne - 2e edition, Fauche, 1801.djvu/66

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l’était pas. Après le bill, le moindre mot suffisait pour leur faire avoir un petit billet doux du ministre, qui les invitait à s’en aller. Un d’eux, parlant avec un peu de véhémence à table, reçut un billet au milieu de son discours : « Oh ! Oh ! » dit-il, « c’est en anglais ; » ne le sachant pas, il pria son voisin de le lui lire. « Puis-je le lire haut ? » lui dit l’autre ; « Oh ! certainement, je n’ai point de secret. » Le billet était conçu en ces termes laconiques : — « Sir, you will be pleased to leave London in four and twenty hours, and the kingdom in three days[1]. » On peut aisément s’imaginer quels furent les ris, à la lecture de ce poulet.

Après avoir fait le tour de la ville dans tous ses sens, ma curiosité se trouvant satisfaite, la foule des émigrés, et les impertinens G—d d—n que chaque jour il me fallait essuyer des rustres de ce bon pays, commencèrent à m’ennuyer ; avant de partir, j’eus la précaution, suivant le bill du parlement concernant les étrangers, de demander un passeport au ministère ; j’en reçus un des plus étendus, qui m’accordait la permission d’aller par toute la Grande Bretagne, except his majesty’s dock yard[2] ; me résignant donc à mon destin, je quittai Londres, résolu de profiter de mon exil pour tâcher d’acquérir une idée juste, du

  1. Monsieur, il vous plaira de quitter Londres dans vingt-quatre heures, et le royaume dans trois jours.
  2. Excepté les chantiers royaux.