Page:Latocnaye les causes de la révolution.djvu/215

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Nos étendards ne nous furent délivrés que deux jours avant de marcher, et furent bénis dans l’église de notre village par notre aumonier, qui était chanoine noble de Toul en Lorraine, et qui dans l’ardeur de son zéle pour la bonne cause, s’étant rendu à Coblence et désirant être employé, avait obtenu, avec deux de ses freres, une place dans les gardes de Monsieur. Mais quelqu’un ayant fait savoir qu’il était prêtre, on lui ota le mousqueton et on le fit notre chapelain.

Enfin au 15 Aout, vint le moment de partir, la plus grande joie se manifésta, des cris de Vive le Roy se firent entendre de tous côtés, et nous fimes à l’Allemagne des adieux, que nous croyions éternels. Nous joignîmes bientôt la grande colonne de la cavalerie, nous rencontrames aussi la pauvre infanterie, fatiguée, couverte de poussiere, devorée des rayons du soleil, les seuls accents de la joye s’y faisaient entendre ; lors qu’au soir, harrassés de fatigue, il nons fallait oublier nos besoins, pour ne penser qu’a ceux de notre cheval, jamais la moindre plainte n’echappa, nous avions notre but devant les yeux, et ne nous en écartions pas ; couchés sur quelques brins de paille, vingt où trente dans la même grange, on n’y entendait que des chansons joyeuses, éxprimant nos désirs, où nos sentimens sur les malheurs de la Famille Royalle.

Nous marchames ainsi sans nous arrêter cinq jours de suite, pendant lesquels il ne nous arriva rien de bien extraordinaire : Enfin nous joignimes Trèves, où on nous fit reposer. L’infanterie campa près de la ville, où nous fumes