Page:Latocnaye les causes de la révolution.djvu/222

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chemin, et nous demeurantes quatre jours dans un mauvais village voisin ; nous partimes enfin à deux heures du matin, et nous traversames cette redoutable forêt d’Argonne, que les Chasseurs Prufliens eurent beaucoup de peine à nettoyer ; les patriotes avaient coupés les arbres, et en avaient couvert le chemin, l’éspace de trois miles. Nous ne nous arrêtames qu’a minuit près Ste. Marie village de Champagne, où l'on nous fit passer la nuit au Bivouac, sans donner à nos chevaux plus de trois livres de foin, et à nous mêmes que quelques onces de pain au matin : on reçut ordre de faire autant de feux que possible, nous en appercevions distinctement d’autres à quelques distances, et ne savions trop s’ils étaient amis où ennemis. Le lendemain, et sur- lendemain, on nous fit faire des marches et contremarches sans fin : celles du premier jour, n’eurent rien de remarquables, mais au second on fit avancer toute la cavalerie des émigrés dans le plus grand ordre sur deux colonnes, et on nous plaça couverts par un petit coteau, dans une plaine immense. Tout semblait annoncer qu’une bataille allait se donner ; les equipages étaient rangés autour des moulins à vent, et gardés par quelques troupes. Les princes passerent dans nos rangs, le Comte d’Artois dit en passant dans la compagnie où j’étais : Enfin, Messieurs, c’est ce soir que nous les voyons, c’est ce soir que nos malheurs finissent.

Jamais je n’oublierai le coup d’oeil intéressant que présentaient huit à neuf mille homme de cavalerie, composés pour la plupart de gentils-hommes Français, montés à leurs frais, attendans en silence et avec joie le moment de se signaler