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ressources nécessaires. Un de ces Hoan-kap a été sous ce rapport scandaleux entre tous : c’est celui de Kim Moun-Keun-i, beau-père du roi Tchiel-tsong, célébré à la fin de 1861. Dès les premiers jours de l’automne, toutes les productions rares des provinces affluèrent à sa maison. On y expédia des centaines de bœufs, des milliers de faisans, des fruits en quantité énorme. Les mandarins, tant pour obéir à l’usage que pour s’attirer les bonnes grâces d’un homme aussi influent, luttaient à qui ferait les plus riches offrandes, en argent et en produits de leurs districts ou préfectures. Le gouverneur de la province de Tsiong-tsieng fut destitué quelques jours après la fête pour n’avoir envoyé que la misérable somme de mille nhiangs (environ deux mille francs), tandis que les autres, plus généreux, avaient expédié huit, dix, quelques-uns même vingt mille francs. M. Pourthié raconte qu’un vieux mandarin de sa connaissance, criblé de dettes et sans le sou, ne put absolument rien envoyer. Kim Moun-Keun-i voulait le punir sévèrement.

« Ne touchez pas à cet homme, lui dirent les ministres ; pour avoir osé vous insulter ainsi, il faut certainement qu’il soit bien déterminé et qu’il ait des moyens secrets de braver votre colère ; il est plus prudent de le laisser tranquille. »

Le pauvre mandarin conserva sa place. Les gens du peuple, même les plus pauvres, furent forcés, par insinuations et par menaces, de payer, sous forme d’offrandes volontaires, un impôt considérable. On rapporte qu’un malheureux en haillons, aux traits hâves et décharnés, dut apporter lui-même quelques pelotons de fil de soie, sa dernière ressource. Le grand personnage eut la bassesse de les recevoir de sa propre main et la cruauté de le remercier en souriant.