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Piek-i avait lu tous les écrits des philosophes, examiné tous leurs systèmes et étudié avec grand soin tous les livres sacrés de son pays. Son cœur toutefois n’était point satisfait, et son esprit naturellement droit le poussait sans cesse à chercher des réponses vraiment satisfaisantes aux doutes qui le préoccupaient. Aussi le voyait-on souvent solliciter, tantôt dans les épanchements intimes de l’amitié, tantôt dans des discussions plus solennelles, la lumière qui pût dissiper les obscurités dont son âme se sentait remplie.

Précisément à cette même époque, parmi les plus intelligents lettrés coréens, un certain mouvement religieux commençait à s’opérer. Quelques-uns d’entre eux avaient accompagné les ambassades annuelles à Pékin, d’où ils avaient rapporté différents livres de philosophie et de religion sur lesquels ils aimaient fort à discuter. Un jour de l’hiver 1777, Piek-i apprit qu’ils s’étaient donné rendez-vous à une pagode isolée dans les montagnes, pour y conférer tout à leur aise et, sans craindre les indiscrétions, débattre les grandes questions de l’âme, de sa nature, de sa destinée et examiner les différents systèmes de religion qu’ils connaissaient. À cette nouvelle, malgré la rigueur de la saison, Piek-i s’arme d’un bâton ferré, et, seul, il s’enfonce dans les sentiers remplis de neige de la montagne ; méprisant le danger des bêtes féroces et la dureté du climat de la saison, il finit, après bien des fatigues, par atteindre, au milieu de la nuit, une pagode habitée par des bonzes. Il avait fait fausse route dans l’obscurité, et l’autre pagode où étaient assemblés les lettrés se trouvait sur le versant opposé de la montagne. Sans songer à la fatigue de sa longue marche, après quelques instants de repos il se fait donner des guides, et, sur l’heure même, il continue sa route.

Ses amis ne l’attendaient guère à un moment si avancé de la nuit ; aussi son arrivée imprévue et subite les effraya-t-il un peu, car ils se crurent un instant surpris par la police. Une joie bruyante succéda bientôt à cette panique passagère, et l’aube naissante les trouva encore dans les épanchements du bonheur et l’entrain de leurs discussions amicales. Dix jours se passèrent