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ainsi la ferveur intérieure qui l’animait. Paul, plus robuste, s’avançait, au contraire, plein d’allégresse, allant à la mort comme à un festin. Il ravissait par sa joie les chrétiens et les païens, qui ne pouvaient contenir leur admiration devant un spectacle si singulier d’un homme souriant à la mort.

Quand ils furent arrivés au lieu de leur supplice, on leur demanda encore s’ils voulaient renoncer à leur religion. Sur leur réponse négative, un officier leur présenta leur sentence. Paul, suivant l’usage, la prit et la lut à haute voix. Il posa alors sa tête sur le billot, et après qu’il eut redit encore les saints noms de Jésus et de Marie, il fit signe au bourreau qu’il était prêt. Sa tête tomba au premier coup. Son cousin Jacques lui succéda immédiatement et reçut aussi la mort avec le même courage. Il était trois heures de l’après-midi du 8 décembre 1791. Paul avait alors trente-trois ans et son cousin Jacques quarante et un.

Comme l’avaient prévu les ennemis des chrétiens, le roi s’était promptement repenti de sa faiblesse passagère, et il avait fait partir à la hâte un nouveau courrier pour faire surseoir à l’exécution. Il était trop tard. Quand ce courrier arriva, les deux martyrs venaient de consommer leur sacrifice. Le roi Tsieng-tsong le regretta vivement, car il prévoyait le mal qui pouvait résulter d’un précédent si cruel. Il savait qu’à l’avenir, grâce aux abus de pouvoir, on invoquerait cette rigueur exceptionnelle pour en faire une loi de l’État et s’en servir contre les disciples de la nouvelle religion.

Tel fut donc le baptême de sang que reçut, d’après une sentence officielle, l’Église de Corée ! Ainsi moururent noblement les premières et glorieuses victimes de la rage satanique qui animait les ennemis du christianisme ! À la grande joie des méchants, le sabre du bourreau s’était enfin abattu sur la race maudite des chrétiens ! Hélas ! depuis ce jour, malgré des torrents de sang répandu, il n’a point encore terminé son œuvre homicide !

Les deux têtes furent exposées en public pendant cinq jours pour effrayer les chrétiens. Alors seulement on permit aux parents des martyrs de donner la sépulture à leurs restes. Ils trouvèrent leurs corps flexibles et sans aucune trace de corruption. Le sang