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serait sans doute pas porté sur un tel homme, qui ne pouvait la rendre heureuse. Mais en Corée, comme dans tous les pays où la religion n’a pas encore retiré la femme de son état d’abjection, elle compte pour si peu dans la société ou dans la famille, qu’elle n’est pas même libre de laisser parler ses goûts dans une question aussi importante pour son bonheur. On marie donc les jeunes filles sans les consulter, et souvent c’est pendant la cérémonie même du mariage qu’elles aperçoivent pour la première fois leur mari ou plutôt leur futur maître.

Le but du Coréen, comme celui de tout païen en se mariant, n’est pas de choisir une épouse sur laquelle il puisse reposer son affection, mais plutôt acquérir une esclave dévouée et soumise par état à se plier à tous ses caprices. Jamais donc de cordialité entre époux, jamais de cette intime confiance fondée sur l’estime et la tendresse réciproques.

Colombe apprit donc un jour qu’elle était accordée à un veuf qu’elle n’avait jamais vu. Au jour de son mariage, on lui releva sa longue chevelure sur le haut de la tête, selon l’usage des femmes mariées : elle salua solennellement, devant la famille assemblée, son nouveau mari assis sur une petite estrade, et, le mariage ainsi terminé, elle partit avec lui pour la demeure conjugale. La rudesse de cet homme fut pour elle une source de chagrins continuels. Sa belle-mère, femme d’un caractère brusque et violent, ne contribuait guère à maintenir la paix entre les deux époux. Cependant Colombe se résolut à la gagner par sa douceur et à lui être agréable en toute occasion. Ce fut alors qu’elle entendit parler, pour la première fois, de la religion « du Maître du ciel ».

Ce nom piqua sa curiosité, et elle voulut savoir ce que c’était que cette religion inconnue. Elle lut plusieurs livres et vit que là seulement se trouvait la vérité. Elle se mit à la pratiquer aussitôt selon les lumières et la connaissance qu’elle en avait, avec une ferveur admirable. Ses désirs se portèrent plus loin, et bientôt elle n’eut d’autre pensée que la conversion de son mari et de toute sa famille. Souvent elle leur parlait des beautés de la