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Se trouvant libre par abandon de son mari, Colombe partit pour la capitale avec sa belle-mère et un fils de son mari, afin d’être plus à même d’observer exactement toutes les pratiques de la religion au milieu des chrétiens.

Ses qualités et spécialement l’énergie de son caractère la mirent bientôt en relief parmi les autres femmes, et peu à peu les chefs mêmes des chrétiens s’habituèrent à la consulter dans les affaires importantes. Ce fut elle qui les encouragea dans leur projet de faire pénétrer le Père Tsiou en Corée. Elle fut bien récompensée de son concours dévoué, lorsque, peu après son arrivée à la capitale, le prêtre lui conféra le baptême.

Le Père Tsiou sut mettre à profit le zèle et la science de Colombe. D’après les usages du pays, il lui était impossible de se mettre en relations directes avec les femmes, même pour les instruire. Il chargea donc la pieuse néophyte de le remplacer dans ce ministère important : elle s’en acquitta avec une activité et une intelligence au-dessus de tout éloge. Toutes les portes s’ouvraient devant elle, et elle s’occupait de ranimer le courage et la foi de beaucoup de femmes nobles que leur rang retenait prisonnières dans leur maison. Ce fut elle qui prépara les voies pour faire pénétrer le Père Tsiou jusqu’auprès des princesses royales exilées à Hang-hoa et les instruisit pour le baptême. Nommée zélatrice de la confrérie de l’Instruction chrétienne, elle se servit de son titre pour encourager les femmes à exercer une influence pratique autour d’elles, et en fit autant d’apôtres dans leurs familles.

Depuis six mois, le Père Tsiou était à la capitale, quand on commença d’actives recherches pour le découvrir. Avertie à temps, Colombe résolut de le sauver. Elle le cacha dans le bûcher de sa maison et l’y nourrit pendant trois mois, à l’insu même des personnes qui vivaient avec elle. Craignant les indiscrétions, elle n’osait s’en ouvrir à sa belle-mère et à son beau-fils Philippe. À la fin, elle résolut de les attendrir et de les gagner à la cause désespérée du prêtre.

Affectant le plus grand chagrin, elle se mit à gémir et à pleurer presque continuellement, puis à refuser la nourriture et le som-