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meil. Sa belle-mère l’aimait beaucoup, et, redoutant qu’elle ne vînt à tomber malade, elle lui demanda la cause de son chagrin.

« Ah ! lui dit Colombe, qui ne serait affligé en songeant à l’état misérable où doit être réduit notre prêtre ? Il est venu ici au péril de sa vie pour sauver nos âmes, et le voilà aujourd’hui sans asile. Quelle pitié ! Tenez, j’ai une idée. Je vais m’habiller en homme, je parcourrai le pays afin de le découvrir et de lui porter secours.

— Mais si vous partez ainsi, répliqua la belle-mère, que deviendrai-je, moi, toute seule ? Je veux vous suivre et mourir avec vous.

— Vénérable mère, dit alors Colombe, que je suis heureuse de vous voir dans de si ferventes dispositions ! Eh bien, dites-moi, si le prêtre se présentait ici, oseriez-vous le recevoir ? Dites oui, et je resterai avec vous jusqu’à la mort.

— Je ne veux point me séparer de vous, dit alors la mère. Faites ce que vous voulez. Soyez heureuse, et cela me suffit. »

Le Père Tsiou fit alors son entrée dans la salle d’honneur de la maison. Il put y demeurer trois ans sans danger, protégé par l’usage coréen qui défend à tout étranger le seuil de la maison des nobles. C’était de là qu’il communiquait avec les quelques chrétiens initiés au secret de sa présence, et c’était Colombe qui lui fournissait tout ce qui était nécessaire à son entretien. Ainsi mêlée par les circonstances à toutes les affaires importantes qui intéressaient les chrétiens, elle exerçait une influence décisive sur les hommes même les plus énergiques, et ses vertus, rehaussées par son éducation et sa persuasive éloquence, lui attiraient tout le monde.

« Elle gagnait tous les cœurs par sa charité ardente, comme le feu embrase la paille. Dans les difficultés, elle tranchait les affaires les plus compliquées avec la même dextérité qu’une main sûre coupe et divise une touffe de racines enlacées. Tous se conformaient à ses vues avec la même précision que le son d’une cloche suit le coup de marteau. »

Ainsi s’exprime une relation coréenne au sujet de cette femme