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condition de sa fille à cause du péril qu’elle courait de perdre la foi. Bibiane elle-même regrettait son esclavage.

« Que vous êtes heureuses ! disait-elle souvent à ses sœurs restées à la maison ; vous pouvez, du moins, servir Dieu à votre aise. Pour moi, qui suis captive au palais, je ne le puis à cause des superstitions auxquelles je suis obligée de prendre part. Plus tard, quand je serai vieille et que je pourrai sortir d’ici, oh ! alors je me convertirai. »

Un soir, elle se sentit frappée subitement d’une vive douleur au cerveau. Elle perdit connaissance, et son état devenant plus grave, on la renvoya à sa mère pour être soignée. Comme sa vie était en danger, on la baptisa, et le lendemain elle était guérie. Par une sorte de miracle, toutes les fois que les médecins ou les gens du palais s’approchaient d’elle, un de ses bras ou une de ses jambes se raidissait et paraissait comme mort. Dès qu’ils sortaient, elle riait aux éclats des remèdes inutiles qu’ils lui prodiguaient. Ceux-ci, fatigués de donner leurs soins à une malade inguérissable, la firent rayer de la liste des filles du palais, et c’est ainsi que Bibiane recouvra sa liberté. Elle voulut se donner à Dieu plus spécialement et se retira auprès de Colombe.

Ces trois chrétiennes passaient leur temps à servir le prêtre et à former les jeunes filles et les femmes à la vertu. Elles se croyaient à l’abri de la persécution, d’après les lois coréennes qui méprisent trop la femme et ne la jugent pas responsable de ses actes devant les tribunaux à cause de la faiblesse naturelle de son sexe. La rage des persécuteurs ne devait s’arrêter devant aucune barrière. Les satellites lancés à la poursuite du Père Tsiou, n’ayant pas pu le rencontrer, vinrent, contre tous les usages, arrêter Colombe et tous ceux de sa maison. Ses deux compagnes avaient eu le temps de se mettre en sûreté, quelques jours auparavant.

Partout et pour tout le monde une prison est un triste séjour ; mais, en Corée, c’est un lieu affreux. Les captifs y sont dans l’ordure, en proie aux horreurs de la faim et de la soif et tourmentés par la vermine la plus dégoûtante. À cause de sa noblesse et de son éducation, le sort de Colombe, sans protection contre