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les insultes de ces gens grossiers et sans retenue, était plus amer encore.

Cependant elle ne se laissa pas plus abattre par les durs traitements des geôliers que par les supplices des interrogatoires.

Traitée en rebelle, elle fut conduite devant le juge comme un vulgaire criminel et soumise à d’affreux tourments pour la forcer à dévoiler la retraite du prêtre. Jusqu’à six fois on lui fit subir l’écartement des os, supplice atroce qui révolte l’imagination. Après avoir lié ensemble ses jambes à la hauteur des genoux et des chevilles, deux bourreaux y passaient deux bâtons qu’ils forçaient en sens opposé, faisant ainsi ployer les os sous leurs violents efforts. Pendant cette épouvantable torture, Colombe gardait le silence et paraissait insensible, au point que les soldats du prétoire disaient entre eux :

« C’est un génie et non pas une femme ! »

Plusieurs fois elle étonna ses juges par son éloquence et sa hardiesse à prêcher la religion au milieu même du prétoire. Elle donnait des preuves si claires de la vérité et de l’origine divine du christianisme, qu’elle soutenait par des arguments tirés des livres de Confucius et d’autres philosophes païens, que les mandarins étaient stupéfaits de trouver tant de science dans cette faible femme. Ils l’appelaient la savante, la femme sans pareille, et disaient « qu’elle leur coupait la respiration » par ses sages répliques. Mais la haine de la vérité fut plus forte chez ces esprits lâches et inconséquents, et ils prirent tous les moyens pour arracher un acte d’apostasie à Colombe. Dieu soutint sa fidèle servante.

Par une permission de la Providence, on arrêta bientôt les compagnes de Colombe et on les jeta dans la même prison. Ces pieuses filles, oubliant l’horreur de leur sort, changèrent ce lieu détestable en un séjour de paix et de prières. Elles s’encourageaient mutuellement et exhortaient les autres confesseurs à suivre avec générosité la voie du martyre.

Un jour, Colombe aperçut de loin son beau-fils Philippe, comme elle prisonnier et qui semblait avoir faibli dans les tourments de l’interrogatoire.