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monté d’un voile en éventail pour couvrir le visage ; et, dans cet accoutrement, qui est habit de deuil du pays, il s’avança vers I-tchou.

À quelques mètres de la porte, l’apôtre « et ses guides tournèrent brusquement à gauche et enfilèrent un aqueduc construit dans les murs de la ville. Le premier conducteur était déjà passé, lorsqu’un chien de la douane l’aperçut et se mit à aboyer. C’en était assez pour les perdre tous, M. Maubant recommandait déjà son âme à Dieu :

« Allons, se dit-il, c’est fini. Les douaniers vont venir ; ils vont nous voir en fraude et nous questionner longuement : ils me reconnaîtront infailliblement pour étranger, »

La petite troupe s’arrêta un instant ; le chien cessa ses cris, et les douaniers restèrent tranquillement à deviser dans la salle de garde bien chauffée.

La seconde douane d’I-tchou fut évitée par le même moyen et avec autant de bonheur. On conduisit M. Maubant dans une petite maison qui avait l’aspect d’un four de boulanger ; on lui offrit une collation de navets crus et de riz salé, et on lui dit de se reposer pendant deux ou trois heures.

Telle fut l’entrée du premier missionnaire français en Corée, cachée aux regards, par une froide nuit de janvier en 1836, ressemblant à l’entrée d’un malfaiteur bien plus qu’à celle d’un conquérant ; et pourtant, c’était un conquérant, cet humble prêtre, qui allait planter la croix de Jésus-Christ sur une terre nouvelle, ouvrir cette contrée à la foi et à la civilisation, appeler sur elle attention des hommes d’État et des savants, faire tressaillir le monde chrétien du récit de ses travaux et de l’héroïsme de sa mort.

Quinze jours plus tard il était à Séoul, et se cachait dans la maison d’un des principaux chrétiens.

Il voulut s’appliquer d’abord uniquement à l’étude de la langue du pays ; les fidèles ne lui en laissèrent pas le loisir. Tous désiraient recevoir les sacrements, craignant de mourir ou de voir mourir leur missionnaire avant d’avoir pu se confesser et reçu la sainte communion.