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Tous, vous devez vous convertir à votre premier principe. De grâce, n’en faites point follement le sujet de vos railleries. Oui, ce supplice que vous regardez comme une honte et un opprobre, pour moi deviendra un sujet d’éternelle gloire. »

Il fut interrompu par le bourreau, qui lui commanda de poser sa tête sur le billot. Il voulut se placer de façon à avoir les yeux tournés en haut.

« Il vaut mieux mourir, dit-il, en regardant le ciel qu’en regardant la terre. »

L’exécuteur, tremblant devant cette victime si forte en face de la mort, le frappa d’une main mal assurée et lui fit une horrible blessure au cou. Augustin se redressa, fit un grand signe de croix et, remettant sa tête sur le billot, reçut le coup mortel ; c’était le 8 avril 1801. Il n’avait que quarante-deux ans.

Son fils Charles avait fait son possible pour adoucir les rigueurs de la prison de son père. C’était l’époque où les persécuteurs, assurés de la présence en Corée d’un prêtre étranger, employaient tous les moyens pour le découvrir. Les satellites de la prison offrirent à Charles la liberté de son père, s’il voulait trahir le Père Tsiou. La foi du jeune homme triompha de sa piété filiale, et il refusa de parler. Furieux de ce silence, les juges le firent mettre à la torture et jeter en prison. Il y avait à peine un mois que son père avait consommé son martyre que Charles à son tour payait de sa tête sa fidélité à la religion. Il n’avait que vingt ans.

Augustin laissait une veuve avec trois petits enfants, et Charles en laissait une aussi avec un jeune fils. Tous leurs biens furent confisqués, et, sans l’assistance d’un homme du peuple, qui fut touché de leur misère, les survivants de cette noble famille seraient morts de faim.

Parmi les enfants d’Augustin, un fils nommé Paul sembla hériter du courage et des vertus de son père et de son frère aîné. Avec l’âge il devint le soutien de sa famille, et, malgré les dangers, malgré les reproches et les sarcasmes de ses proches devenus apostats ou restés païens, il persista dans les pratiques chrétiennes de son enfance.