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couverte d’arbres, et, à la nuit, je m’avançai de nouveau vers Ei-tsiou. »

Il y avait deux jours qu’André n’avait pris aucune nourriture. Mourant de faim et de fatigue, il s’endormit profondément sur la neige. Il crut alors voir comme une ombre qui lui indiquait son chemin et lui donnait l’ordre de partir. Sans pouvoir se rendre compte au juste s’il était, oui ou non, le jouet de son imagination surexcitée par la fatigue, i] obéit néanmoins, remerciant sincèrement Dieu de l’avoir tiré de ce sommeil léthargique, dont il aurait bien pu ne point s’éveiller.

Après beaucoup de fatigues, il traversa de nouveau les douanes et passa le fleuve sur la glace à peine assez solide pour porter le poids de son corps. À Pien-men, on lui refusa l’hospitalité dans une auberge, où son air misérable et ses habits étranges le rendaient repoussant. Enfin ayant obtenu, à prix d’argent, un peu de nourriture, il put retourner auprès de M. Maistre lui faire part de ses mésaventures et de ses périls sans résultat.

Tel fut le début du courageux André dans cette carrière si courte et cependant si remplie d’actions intrépides et de tant de labeurs et de privations, que plus tard, lorsqu’il les racontait à ses juges, ceux-ci ne pouvaient retenir ce cri de compassion :

« Pauvre jeune homme, dans quels terribles travaux il a été depuis son enfance ! »

Le saint-siège venait d’envoyer un nouvel évêque à la Corée, Mgr Ferréol, qui fut bientôt rejoint par M. Maistre et André Kim sur les limites de la Tartarie et de la Corée. Quelques chrétiens avaient promis de venir à la foire de Houng-tchoung afin de se mettre en rapport avec André. Celui-ci s’y rendit avec diligence. Voici le récit qu’il fit lui-même de cette expédition.

« … Le 20 de la première lune, dit-il, le mandarin coréen de Kien-wen donna la nouvelle que le lendemain le commerce serait libre entre les deux peuples. Dès que le jour parut, mon compagnon et moi, nous nous hâtâmes d’arriver au marché. Les abords de la ville étaient encombrés de monde. Nous marchions au milieu de la foule, tenant en main notre mouchoir blanc, et portant à la ceinture un petit sac à thé de couleur