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rouge. C’était le signe dont on était convenu et auquel les courriers coréens devaient nous reconnaître. De plus, c’était à eux de nous aborder.

« Nous entrions dans la ville, nous en sortions : personne ne se présentait. Plusieurs heures s’écoulèrent ainsi. Nous commencions à être dans l’inquiétude. Enfin, étant allés abreuver nos chevaux à un ruisseau qui coule à trois cents pas de la ville, nous voyons venir à nous un inconnu. Je lui parle en chinois, il ne me comprend pas :

« — Comment t’appelles-tu ? » lui dis-je en coréen.

« — Han est mon nom.

« — Es-tu disciple de Jésus ?

« — Je le suis. »

« Le néophyte nous conduisit auprès de ses compagnons. Ils étaient venus au nombre de quatre, et il y avait plus d’un mois qu’ils attendaient notre arrivée. Nous ne pûmes avoir un long entretien : Chinois et Coréens nous environnaient de toutes parts. Ces pauvres chrétiens paraissaient abattus par la tristesse. L’air mystérieux qui régnait dans l’échange de nos paroles intriguait les païens. Quand ceux-ci paraissaient moins attentifs à nos discours, nous glissions quelques mots sur nos affaires religieuses, et puis tout de suite nous revenions au marché de nos animaux,

« Combien en veux-tu ?

« — Quatre-vingts ligatures.

« — C’est trop cher. Tiens, prends ces cinquante ligatures et « livre-moi ta bête.

« — Non, c’est impossible. Tu ne l’auras pas à moins. »

« C’est ainsi que nous donnions le change à ceux qui nous observaient.

« J’appris de ces chrétiens plusieurs choses relatives à la Corée et à l’état des affaires religieuses dans les différentes provinces, et, notre entretien étant fini, nous nous prîmes les mains en signe d’adieu. Ils sanglotaient ; de grosses larmes coulaient sur leurs joues. Pour nous, nous regagnâmes la ville, et nous disparûmes dans la foule.