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fûmes assaillis d’une grande tempête, accompagnée de pluie, qui dura deux jours et trois nuits, et pendant laquelle, à ce que l’on rapporte, plus de trente navires du Kiang-nan se perdirent. Notre barque, vivement battue par les flots, était agitée d’une manière effrayante et semblait sur le point d’être submergée, car elle était trop petite et n’était point faite pour la haute mer. Je fis détacher le canot que nous avions à la traîne ; enfin le péril croissant, nous coupâmes les deux mâts, et nous nous vîmes forcés de jeter à la mer presque toutes nos provisions. Un peu allégée, notre barque était soulevée et poussée par la violence de la tempête à travers des montagnes d’eau.

« N’ayant presque point pris de nourriture pendant trois jours, les chrétiens étaient extrêmement affaiblis, et, perdant tout espoir, ils disaient en pleurant :

« — C’en est fait, nous sommes perdus ! »

« Je leur montrai une image de la sainte Vierge, qui, après Dieu, était notre unique espérance, et je leur dis :

« — Ne craignez point, voici la sainte Mère qui est près de nous pour nous secourir. »

« Par ces paroles et d’autres semblables, je m’efforçais de les consoler et de leur donner du courage. J’étais moi-même très malade ; mais, prenant un peu de nourriture, je travaillais pour cacher mes craintes. Le péril croissant, je baptisai un païen que j’avais pris pour mon premier matelot et qui n’était encore que catéchumène. Notre gouvernail fut brisé peu après par la fureur des vagues. C’est pourquoi, ayant lié les voiles ensemble, nous les jetâmes à la mer en les retenant avec des cordes. Mais ces cordes se rompirent, et, ayant perdu tout secours humain, nous récitâmes nos prières et nous nous endormîmes. »

À son réveil, André essaya de faire face de nouveau à la tempête, qui paraissait s’abattre peu à peu. Il construisit un gouvernail, des mâts et de nouvelles voiles. En vain tendait-il des mains suppliantes vers les barques chinoises qui passaient et repassaient près de la sienne. Aucune ne venait à son secours. Enfin un navire de Canton s’arrête ; André monte sur le pont, et la promesse de mille piastres décida le capitaine à le remorquer