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jusqu’à Shanghaï. Mais de nouveaux périls l’attendaient encore. Le vent s’élève de nouveau avec violence et fait sombrer sous les yeux des Chinois la barque d’un ami du capitaine, dont un seul homme parvient à se sauver. Un peu plus tard, des pirates les accostent et engagent leur protecteur à couper la corde qui retenait leur barque afin de la leur laisser en butin. André s’arme d’audace, donne l’ordre de tirer sur ces brigands, et les met en fuite. Enfin la barque coréenne finit par aborder dans le port de Wou-song, où sa bizarre construction et les figures étranges de ceux qui la montaient, excitèrent vivement la curiosité publique.

Afin d’éviter une perquisition des autorités chinoises, André alla mouiller droit au milieu des vaisseaux anglais stationnés dans le port. Grand fut l’étonnement des officiers lorsqu’ils entendirent ce pauvre naufragé coréen leur crier en français :

« Moi, Coréen, je demande votre protection ! »

Sa confiance ne fut pas déçue. Le consul, après avoir appris ses malheurs, l’envoya dans une famille chrétienne, et un jésuite, le Père Gotteland, lui procura ce qui lui était nécessaire.

À peine remis de leurs fatigues, les compagnons d’André voulurent profiter de l’occasion favorable de se confesser au Père Gotteland. Malheureusement celui-ci ne savait que le chinois, que les Coréens ne parlaient pas. Ils prièrent André de leur servir d’interprète. Celui-ci donc, après s’être confessé lui-même, demeura à genoux près du prêtre, à qui il traduisait en chinois ce que chacun de ses compagnons lui accusait en coréen. En vain, le Père Gotteland leur fit dire qu’en pareille circonstance l’intégrité de l’accusation n’était pas nécessaire ; chacun répondit qu’il voulait tout avouer,

Le matin, la messe fut célébrée en cachette dans la pauvre jonque, et tous ces bons néophytes oublièrent un instant leurs fatigues et leurs dangers passés, quand il leur fut donné de participer aux saints mystères dont ils étaient privés depuis si longtemps.