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Vingt ans plus tard, celui qui traçait ces lignes généreuses, Mgr Daveluy, suivait, en effet, jusqu’au Calvaire son divin Maître, implorant seulement de ses bourreaux, à ce moment suprême, la faveur de verser son sang le jour même du vendredi saint, à l’heure où était mort pour lui Celui que, missionnaire et évêque, il avait tant aimé et fait aimer dans sa chère Corée.

M. Marie-Antoine Daveluy était né à Amiens le 16 mars 1818. Après avoir étudié avec succès chez les jésuites, il entra à Saint-Sulpice, en 1834. La grâce l’appelait au ministère sublime de l’apostolat. Il y répondit fidèlement, et, malgré tous les regrets que son départ excitait dans les cœurs de ceux qui l’avaient connu dans son court ministère dans une paroisse du diocèse d’Amiens, il se rendit au séminaire des Missions étrangères, d’où il partit pour la Chine en 1844.

Dès qu’André eut averti Mgr Ferréol de son arrivée, le cœur plein d’espérance, le prélat et M. Daveluy quittèrent Macao. Avant de mettre à la voile pour la Corée, une cérémonie bien touchante ravit de joie les compagnons d’André Kim. Le 17 août 1845, Mgr Ferréol imposait les mains à son courageux diacre et consacrait le premier prêtre indigène de la terre coréenne. André célébra avec ferveur sa première messe en présence de ses matelots, puis hâta ses préparatifs pour retourner dans sa patrie.

Huit jours plus tard, sur le golfe de Léao-tong, dans cette partie de la mer Jaune si tristement célèbre par ses tempêtes, une pauvre petite barque luttait péniblement contre la fureur des flots. Douze hommes montaient cette pauvre barque, et, a leur maladresse dans les manœuvres, à leur air consterné devant l’ouragan, on devinait facilement des marins improvisés et sans expérience. Une corde heureusement liait leur sort à celui d’une grosse jonque chinoise qui devait les remorquer, mais qui avait elle-même beaucoup de peine à tenir la mer. La brise redouble de violence, chaque lame déverse dans la frêle barque des flots d’eau qu’un homme puise incessamment. Tout à coup une vague brise le gouvernail, et, sans le câble qui la retient encore à la jonque chinoise, la pauvre barque serait le jouet de la tempête.