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Et cependant cette petite nacelle renfermait toutes les espérances des chrétiens de Corée ; elle portait dans ses flancs disloqués les pacifiques conquérants qui allaient combattre, vaincre et mourir pour le salut de ce pays. S’appuyant sur la Providence, Mgr Ferréol et M. Daveluy avaient confié leur sort à l’intrépidité plutôt qu’à l’habileté du P. André Kim. Et voilà qu’après deux jours seulement de voyage, la mer entr’ouvrait ses abîmes, tandis que le vent, la pluie et l’obscurité semblaient s’unir pour perdre les téméraires montés sur cette espèce de coquille.

La barque, en effet, n’était pas construite pour la haute mer, dont les lames violentes fatiguaient les planches mal jointes. Pas un clou, mais des chevilles de bois seulement, n’était entré dans sa construction, et le calfatage à la boue permettait à l’eau d’entrer de toutes parts. Elle avait vingt-cinq pieds de long sur neuf de large et sept de profondeur. Les voiles étaient des nattes de paille tressée, et une ancre de bois fixée à une grosse corde d’herbes à demi pourries, ainsi que quelques rames, faisaient tout son gréement. L’équipage était digne du navire. Le P. André s’était improvisé capitaine, un batelier coréen lui servait de pilote, un autre de menuisier, et les matelots étaient de bons laboureurs dont plusieurs avaient confessé la foi, mais dont aucun n’avait connaissance de la mer. Tel était l’équipage du Raphaël, nom du petit bateau coréen.

Combien triste fut la nuit que passèrent, sur cet esquif déjà si ébranlé, les pauvres voyageurs qui n’avaient plus d’autres ressources que celles de leurs ferventes prières. Au matin, André appelle d’une voix effrayée l’évêque et son compagnon, qui accourent vite sur le pont. Il était temps, car ce pont, à moitié pourri, s’écroulait sous leurs pieds et les aurait écrasés dans sa chute.

Le cœur plein d’inquiétude pour le salut des nobles voyageurs qui s’étaient confiés à lui, et craignant de perdre de si précieuses vies, André engagea Mgr Ferréol à monter sur la jonque chinoise, tandis que lui et ses compagnons continueraient à lutter contre la mer en courroux. À force de cris et de signaux, la jonque se rapprocha des Coréens. On attachait déjà une corde autour des