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reins des deux missionnaires pour les aider à monter sur le navire chinois, quand une vague, plus forte que les autres, sépare violemment les deux barques, et en un clin d’œil les Coréens sont déjà loin des Chinois. Ceux-ci essayent par leurs manœuvres de se rapprocher d’eux et de leur jeter une amarre, qui ne leur parvient pas. C’en est fait. La tempête les emporte, la jonque disparaît bientôt derrière les vagues, et les Coréens perdent ainsi leur dernière chance de salut.

Déjà le Raphaël s’emplissait d’eau lorsqu’on coupa les mâts pour l’alléger. Malheureusement, en tombant à la mer, des câbles les retenaient encore, en sorte qu’à chaque vague, ils venaient heurter violemment contre les flancs de la barque et menaçaient de les enfoncer.

La tempête s’apaisa enfin ; la confiance revint au cœur des pauvres matelots avec le beau temps. Ils redressèrent leurs mâts bien raccourcis et tâchèrent de gagner la terre. À l’horizon se dessinaient vaguement de lointaines montagnes qu’ils reconnurent bientôt pour celles de l’île de Quelpaert. La tempête les avait ainsi fait dériver à plus de cent lieues du point où ils voulaient aborder. Le voyage entre la côte et ce labyrinthe d’îles, fut long et périlleux. Tout alla à souhait cependant, et, le 22 octobre 1845, Mgr Ferréol et M. Daveluy foulaient le sol tant désiré de leur mission.

Afin de se cacher plus aisément, ils s’affublèrent du costume de deuil usité par les nobles Coréens à la mort de leurs proches. Ils prirent donc chacun un habit de grosse toile écrue, tandis qu’un chapeau de paille aux larges bords tombant presque sur les épaules, et muni en outre d’un voile qu’ils pouvaient soulever à l’aide de leurs petits bâtonnets, leur permettait à peine de voir à leurs pieds et dérobait ainsi les traits de leur visage aux regards indiscrets des curieux. Deux matelots prirent les deux missionnaires sur leurs épaules et les déposèrent, dans le silence et les ténèbres de la nuit, sur le rivage coréen.

Telle fut la brillante prise de possession de Mgr Ferréol, dans cette chère mission de la Corée, aux portes de laquelle il avait frappé vainement pendant cinq ans. Il partait tout seul pour la