Page:Launay, Dallet - La Corée et les missionnaires, 1901.pdf/305

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Hélas ! combien furent tristes les beaux jours que l’évêque croyait entrevoir !

La Chine venait alors de subir d’humiliantes défaites ; les Français et les Anglais avaient battu ses troupes, pénétré dans Pékin et dicté des lois à son empereur. Quand les missionnaires apprirent ces nouvelles, ils regrettèrent vivement qu’un vaisseau de guerre français ne parût pas dans la rivière de Séoul, car il eût obtenu pour la France et pour le catholicisme toutes les concessions qu’il eût demandées.

En effet, dire la terreur folle, la consternation profonde qui se répandirent de la capitale dans tout le royaume, serait chose impossible.

Toutes les affaires furent suspendues, les familles riches ou aisées s’enfuirent dans les montagnes. Les ministres, n’osant eux-mêmes quitter leurs postes, firent partir en toute hâte leurs femmes, leurs enfants et leurs trésors. Des mandarins du haut rang se recommandaient humblement à la protection des néophytes, et faisaient des démarches afin de se procurer des livres de religion, des croix ou des médailles pour le jour du danger ; quelques-uns même portaient publiquement à leur ceinture ces signes du christianisme. Les satellites, dans leurs réunions, se disculpaient à qui mieux mieux de toute coopération aux poursuites dirigées contre les chrétiens et aux tortures qu’on leur avait infligées. Profondeur des desseins de Dieu ! Si à ce moment un navire français, une simple chaloupe, se fût présenté exigeant pour la religion la même liberté qui venait d’être stipulée en Chine, on se fût empressé de tout accorder, heureux encore d’en être quitte à ce prix. Cette paix aurait été troublée peut-être comme en Chine et au Tonkin par des émeutes populaires, par de sourdes intrigues, par des incendies d’églises ou des assassinats de missionnaires ; mais elle aurait donné des années de tranquillité comparative, favorisé l’essor des œuvres chrétiennes et la conversion des gentils ; elle aurait fait une large brèche à ce mur de séparation qui existe entre la Corée et les peuples chrétiens et hâté le jour où il tombera pour jamais. Dieu ne l’a pas voulu !

Les navires qui, de la pointe du Chang-ton où ils séjournèrent