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négligea de l’appeler, et cette abstention laissa planer un doute terrible sur ses véritables dispositions. Dans l’intervalle, il est vrai, il avait eu avec un des auteurs de la lettre un long entretien sur la religion chrétienne, en avait admiré la doctrine morale, mais s’était plaint de l’interdiction qui proscrit les sacrifices aux ancêtres. En réalité, le régent gagnait du temps : il voulait s’inspirer des événements.

Malheureusement, une fois de plus, les menaces des Européens avaient été vaines, et le navire russe s’était éloigné ; le parti de l’intolérance triompha. Le régent, à supposer que ses sentiments intimes fussent favorables, n’était pas homme à s’exposer pour protéger les catholiques.

Les mesures de violence et d’injustice ne répugnaient pas à son caractère. Il céda au courant, et la perte des missionnaires fut résolue.

Pendant ce temps Mgr Berneux, las d’attendre inutilement, avait de nouveau quitté Séoul et repris ses travaux, mais sans s’éloigner beaucoup. Il revint le 5 février.

Quelques jours plus tard, il ne pouvait plus se faire d’illusions sur le sort qui l’attendait. Des satellites se présentèrent pour faire une perquisition chez lui, sous un prétexte fiscal. L’évêque comprit qu’on voulait s’assurer de sa personne ; mais il crut d’abord qu’on se proposait seulement de le garder à vue, et dès lors il refusa de changer de retraite, craignant que, pour le découvrir, la police n’étendît ses investigations à toutes les maisons des fidèles et que les vexations ne devinssent générales.

La perfidie de son domestique, assez mauvais chrétien, amena précisément le résultat que, dans son dévouement, le Vicaire apostolique avait voulu prévoir. Le traître indiqua aux satellites la résidence exacte des missionnaires, dont l’arrestation fut immédiatement résolue et exécutée.

Mgr Berneux fut naturellement pris le premier.

Le 23 février, à quatre heures du soir, sa maison fut envahie ; il fut saisi, garrotté, puis, comme il n’opposait aucune résistance, délié presque aussitôt et conduit au tribunal de Droite, ainsi nommé parce qu’il est situé à droite du palais ; de là,