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à la prison criminelle du Kiou-riou-kan, où sont enfermés pêle-mêle les criminels de bas étage, et le surlendemain il fut transféré à la prison Keum-pou, réservée aux accusés nobles et aux criminels d’État.

Les soldats chrétiens présents aux divers interrogatoires du confesseur de la foi ont noté ses réponses et toutes les circonstances du drame.

« Quel est votre nom ? demanda le juge.

— Tjiang (c’était le nom coréen de Mgr Berneux)

— Qu’êtes-vous venu faire en Corée ?

— Sauver vos âmes.

— Depuis combien d’années êtes-vous dans ce pays ?

— Depuis dix ans, et pendant ce temps j’ai vécu à mes dépens ; je n’ai rien reçu gratis, pas même eau ou le bois. »

L’évêque faisait allusion aux calomnies des païens, qui prétendaient que les missionnaires, manquant du nécessaire dans leur propre pays, venaient en Corée pour s’enrichir.

« Si on vous met en liberté, et qu’on vous ordonne de retourner dans votre pays, obéirez-vous ?

— Si vous m’y reconduisez vous-même de force, il faudra bien que j’y aille ; sinon, non.

— Mais nous ne connaissons pas votre pays, comment donc pourrions-nous vous y reconduire’ ? Votre réponse signifie que vous ne voulez pas quitter la Corée.

— Comme vous voudrez ; je suis entre vos mains, et je suis prêt à mourir. »

Le lendemain 27, nouvel interrogatoire, auquel assistèrent le régent et son fils ainé. On proposa au captif d’apostasier.

« Non, certes, répondit-il ; je suis venu prêcher la religion qui sauve les âmes, et vous voudriez que je la renie !

— Si vous n’obéissez pas, vous serez frappé et mis à la torture.

— Faites ce que vous voudrez ; assez de questions inutiles. »

L’effet suivit de près la menace. On fit subir au vénérable évêque, entre autres tortures, la bastonnade sur les jambes et la poncture des bâtons sur tout le corps, principalement sur les