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l’eau à la figure, qu’il saupoudre aussitôt d’une poignée de chaux qui lui barbouille ainsi le visage et la tête d’une façon grotesque. Ensuite, passant deux bâtons assez forts par-dessous les bras, deux bourreaux soulèvent les extrémités sur leurs épaules et promènent ainsi la victime huit fois autour de l’assemblée, toujours en rétrécissant le cercle, de façon qu’au huitième tour ils déposaient l’évêque au pied du mât.

On le fit mettre à genoux, la tête inclinée en avant, et les cheveux attachés à une petite corde que tenait l’un des bourreaux.

Ainsi préparé, le saint martyr attendait la mort sous les yeux de ses compagnons, pour chacun desquels les mêmes lugubres préparatifs allaient bientôt se répéter. Six bourreaux alors, armés chacun d’un long coutelas qu’ils brandissent, en exécutant autour de leur victime une sorte de danse guerrière et sauvage, tournent, sautent et poussent des cris horribles. Chacun frappe comme il veut et quand il veut ; au troisième coup la tête du martyr roule sur le sable. Un bourreau la dépose d’abord sur une petite table devant le mandarin chargé de l’exécution, puis il va la suspendre par les cheveux à un poteau, auprès du corps, et au-dessous de la planchette sur laquelle était écrite la sentence.

Ainsi recommencèrent dans le même ordre les mêmes préparatifs pour chacune des autres victimes. M. de Bretenières suivit immédiatement son évêque, puis M. Beaulieu. Enfin M. Dorie, après avoir assisté à ces trois scènes d’horreur, consomma lui-même son glorieux martyre.

Pendant trois jours on laissa les corps exposés. Les païens du village voisin vinrent alors les enterrer tous ensemble dans une même fosse. Ce ne fut que six mois après qu’il fut donné aux chrétiens de la capitale, avec de grands dangers, de rendre eux-mêmes à leurs pasteurs les devoirs d’une sépulture plus convenable.

Mgr Siméon-François Berneux avait près de cinquante-deux ans lorsqu’il reçut la palme du martyre avec ses trois jeunes confrères. Il avait passé dix ans sur la terre de Corée, qu’il illustra par ses vertus et ses talents. Les progrès étonnants de la religion, les nombreuses conversions d’infidèles dans les circonstances orageuses où il gouverna la mission de Corée, attestent son zèle