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« Un fait donnera la mesure de sa mortification. Les cruelles douleurs de la pierre, dont il souffrait habituellement, ne lui faisaient interrompre son travail que quand il était gisant à terre, presque à l’agonie. Je l’ai vu passer vingt-quatre heures de suite au confessionnal, et comme je me permettais de le gronder :

« — Que voulez-vous ! répondit-il, ces douleurs m’empêchent de dormir. »

Tel était le saint prélat dont le glaive du persécuteur termina la carrière, lorsqu’il promettait encore de longs jours et des œuvres fécondes. Au sortir des prisons du Tonkin, il exprimait le regret d’avoir manqué l’occasion du martyre. Le procureur des Missions étrangères à Hong-Kong, en lui donnant sa nouvelle destination pour la Chine, avait ajouté avec amabilité :

« Qui sait, si un jour vous ne franchirez pas la frontière et vous ne retrouverez point en Corée la chance du martyre ! »

Vingt et un ans après, cette prophétie se réalisait.

Comme il avait toujours été le premier à la peine parmi ses confrères, Mgr Berneux se trouvait encore à leur tête au jour du grand combat. À bon droit, en jetant les yeux sur sa vie si bien remplie, il aurait pu, lui aussi, se rendre le témoignage de l’Apôtre :

« Bonum certamen certavi, cursum consummavi. Fidem servavi, in reliquo reposita est corona justitiæ quam mihi reddet Dominus in illa die justus Judex. J’ai combattu le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé ma foi, il ne me reste plus qu’à jouir de la couronne de justice que me donnera le Seigneur mon juste juge. »

Quant aux trois jeunes missionnaires, heureux compagnons du prélat en ce jour du martyre, pleins de vertus, de zèle et de bonne volonté, à peine entrés dans la carrière, ils furent couronnés. Dieu récompensa, à leurs débuts, les ardents désirs dont leurs cœurs étaient remplis, ne faisant, par une faveur toute spéciale, cesser si promptement leurs travaux que pour leur accorder la rémunération éternelle de leurs mérites : Ut labores quidem cito finirentur, meritorum vero prœmia sine fine durarent !