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devant l’auberge, et là nombre de Coréens s’assemblèrent en curieux autour de lui. Aucun n’osait, à cause des soldats, lui adresser la parole. L’apôtre dit alors à haute voix :

« Je suis missionnaire français, j’ai été arrêté par les Chinois ce matin, et je n’ai rien pris de la journée ; donnez-moi, s’il vous plaît, une tasse de vin. »

L’aubergiste en apporta aussitôt une tasse. Le prêtre y porta ses lèvres, mais les soldats ne lui donnèrent pas le temps de la vider ; ils se jetèrent brutalement sur lui, et le vin tomba en partie à terre.

À ce moment, le général fit appeler le missionnaire par son interprète à son tribunal. Le Père Jozeau crut l’occasion favorable de s’expliquer plus clairement près de deux magistrats coréens, et il essaya d’entrer à son tour dans le pavillon. Les soldats le repoussèrent violemment et même le forcèrent à s’agenouiller sur la terre nue, comme un criminel, en présence de ses trois juges. Il y eut là un nouvel interrogatoire de quelques instants. Tout ce que l’on sait, c’est que le prisonnier renouvela devant ses juges sa déclaration :

« Je suis un missionnaire français. »

Puis le cortège se remit en route. En arrivant sur la rive droite du fleuve qu’il fallait traverser pour gagner Kong-tjyou, le mandarin militaire et le juge criminel entrèrent dans une barque, et le général chinois dans une autre. Le Père Jozeau monta dans la barque du général. Celui-ci, extérieurement du moins, ne parut pas s’en offenser ; mais presque aussitôt des soldats chinois se jetèrent sur le prêtre et l’entraînèrent de force dans une autre barque, déjà remplie de leurs camarades et qui passa la première.

En débarquant sur l’autre rive, le missionnaire fut aussitôt entouré et serré de près par les soldats passés avec lui. Autour d’eux, à peu de distance, se tenait la foule des Coréens sortis de la ville en curieux pour voir défiler les troupes. Il y avait parmi eux des chrétiens, dont l’un reconnut immédiatement le prisonnier pour un missionnaire, l’autre pour le Père Jozeau, qu’il avait vu précédemment. Beaucoup de curieux païens disaient à haute