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ses sujets. S’il touche quelqu’un, l’endroit devient sacré, et on doit porter, toute la vie, un signe ostensible, généralement un cordon de soie rouge, en souvenir de cette insigne faveur.

La plupart de ces prohibitions et de ces formalités n’atteignent que les hommes ; les femmes peuvent entrer partout au palais, sans que cela tire à conséquence. L’effigie du roi n’est pas frappée sur les monnaies ; on y met seulement quelques caractères chinois. On croirait faire injure au roi en plaçant ainsi sa face sacrée sur des objets qui passent dans les mains les plus vulgaires et souvent roulent à terre, dans la poussière ou la boue. Il n’y a de portrait du roi que celui qu’on fait après sa mort, et qui est gardé au palais même, avec le plus grand respect, dans un appartement spécial.

Quand les navires français vinrent pour la première fois en Corée, le mandarin qui fut envoyé à bord pour se mettre en rapport avec eux, fut horriblement scandalisé de voir avec quelle légèreté ces barbares d’occident traitaient la face de leur souverain reproduite sur les pièces de monnaie, avec quelle insouciance ils la mettaient entre les mains du premier venu, sans s’inquiéter le moins du monde si on lui montrerait ou non le respect voulu. Le commandant offrit à ce mandarin un portrait de Louis-Philippe, mais il refusa de le recevoir. Peut-être craignait-il d’être puni par son gouvernement pour avoir accepté quelque chose des barbares. Mais il est plus probable qu’il crut voir un piège dans cet acte de politesse. Il se fût trouvé très embarrassé pour emporter ce tableau avec la pompe convenable, et d’un autre côté, ne pas témoigner au portrait du souverain la déférence requise, eût été, dans son esprit, une insulte grave aux étrangers et une provocation à la guerre.

D’après les livres sacrés de la Chine, le roi s’occupe uniquement du bien général. Il veille à la stricte observation des lois, rend justice à tous ses sujets, protège le peuple contre les exactions des grands fonctionnaires, etc. De tels rois sont rares en Corée. Le plus souvent on a sur le trône des fainéants, des êtres corrompus, vieillis avant l’âge, incapables. Et comment en serait-il autrement pour de malheureux princes appelés au trône dès