Page:Launay, Dallet - La Corée et les missionnaires, 1901.pdf/80

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impuni. De semblables exemples ne sont pas rares ; aussi le peuple, surtout dans les campagnes, redoute les nobles comme le feu. On effraye les enfants en leur disant que le noble vient ; on les menace de cet être malfaisant, comme en France on les menace de Croquemitaine.

Quand un noble parvient à quelque emploi, il est obligé de pourvoir à l’entretien de tous ses parents, même les plus éloignés. Par cela seul qu’il est mandarin, les mœurs et l’usage constant du pays lui font un devoir de soutenir tous les membres de sa famille, et, s’il ne montre pas assez d’empressement, les plus avides mettent en usage divers moyens de se procurer de l’argent à ses dépens. Le plus souvent, ils se présentent chez un des receveurs subalternes du mandarin, pendant l’absence de celui-ci, et demandent une somme quelconque. Naturellement le receveur proteste qu’il n’a pas en caisse une seule sapèque ; là on le menace, on lui lie les bras et les jambes, on le suspend au plafond par les poignets, on lui inflige une rude bastonnade, et on parvient à lui extorquer l’argent demandé. Plus tard le mandarin apprend l’affaire ; mais il est obligé de fermer les yeux sur un acte de pillage, qu’il a peut-être commis lui-même avant d’être fonctionnaire, ou qu’il est prêt à commettre demain, s’il perd sa place.

Les emplois publics étant, pour la noblesse coréenne, la seule carrière honorable et souvent le seul moyen de vivre, on comprend aisément quelle nuée de flatteurs, de parasites, de pétitionnaires, de candidats malheureux, d’acheteurs de places, doivent encombrer jour et nuit les salons des ministres et autres grands dignitaires de qui dépendent les nominations. Cette foule de mendiants avides spécule sur leurs passions, flatte leur orgueil et met constamment en jeu, avec plus ou moins de succès, mais toujours sans le moindre scrupule, toutes les intrigues, toutes les flatteries, toutes les caresses, toutes les ruses dont la bassesse humaine est capable.

M. Pourthié, l’un des missionnaires martyrisés en 1866, s’est amusé à décrire en détail, dans une de ses lettres, l’espèce la plus commune de ces solliciteurs, ceux qu’on appelle moun-