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kaik. Son récit, quoique un peu long, met si bien en relief divers aspects intéressants du caractère coréen, que nous le donnons tout entier :

« Le moun-kaik, comme l’indique son nom, est un hôte qui a ses entrées dans les salons extérieurs ; mais on applique plus spécialement cette dénomination aux individus pauvres et désœuvrés, qui vont passer leurs journées dans les maisons des grands, et qui, à force de ramper et de prodiguer leurs services, parviennent à recevoir, en récompense, quelque dignité. Il y a différentes catégories de moun-kaik, selon le degré de noblesse ou les prétentions. Autres sont ceux qui hantent le palais du roi, autres ceux qui entourent un petit mandarin ; mais tous se ressemblent.

« Dès que le moun-kaik a trouvé un prétexte plausible pour s’introduire chez le ministre, un soin unique le préoccupe : c’est celui de connaître à fond le caractère, les penchants et les caprices de son protecteur, et de gagner ses bonnes grâces à force d’esprit, de souplesse et de protestations de dévouement. Il étudie avec soin les goûts dominants du cercle qu’il fréquente, et, faisant bonne contenance contre mauvaise fortune, il s’y plie avec une adresse incomparable. Il est tour à tour causeur lorsqu’il aurait plus d’envie de se taire, content et radieux lorsque le mauvais état de sa famille et de ses finances l’accable de tristesse, emporté et furieux, triste et en pleurs, lorsque son cœur est dominé par les sentiments du bonheur et de la joie. Sa femme et ses enfants succomberaient-ils aux tourments de la faim, lui-même passerait-il de longues journées à jeun, il faut néanmoins qu’arrivé dans les salons, il rie avec ceux qui rient, joue avec ceux qui jouent ; il faut qu’il compose et chante des vers sur le vin, les festins et les plaisirs. C’est pour lui un devoir de n’avoir ni manières, ni couleurs, ni tempérament à lui propres. L’air joyeux ou affligé, passionné ou calme, vivant ou abattu, qui se voit sur les traits de son maître, doit être réfléchi sur les siens comme dans un miroir. Il ne doit être qu’une copie, et plus la copie est fidèle, plus ses chances augmentent.

« À une complaisance sans bornes, le moun-kaik doit joindre