Page:Launay, Dallet - La Corée et les missionnaires, 1901.pdf/82

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un assortiment complet de tout ce que l’on nomme talents de société. C’est toujours lui qui se met en avant pour ranimer la gaieté de la compagnie, soutenir et intéresser la conversation. Répertoire vivant de toutes les histoires et de toutes les fables, il s’ingénie à raconter souvent et avec intérêt ; il connaît le premier toutes les nouvelles de la province et de la capitale, toutes les anecdotes de la cour, tous les scandales, tous les accidents. Il est auprès des dignitaires la renommée aux cent bouches, un véritable journal ambulant. Il pénètre tous les desseins, les plans secrets, les intrigues des différents partis ; il compte sur ses doigts le nombre, le nom, la position et les chances de tous les mandarins qui montent et descendent dans l’échelle des faveurs du gouvernement ; il récite avec aisance le catalogue universel et l’état financier de tous les nobles du royaume.

« Nouveau Janus au double visage, sans conscience, et vrai caméléon de la politique, le moun-kaik a soin d’exposer sa belle face au soleil levant de la faveur. Toutes ses gentillesses sont exclusivement pour le côté d’où peuvent venir les dignités ; mais à tout ce qui lui est inutile, ou hostile, ou inférieur, il laisse voir une âme basse et cupide, uniquement gouvernée par les instincts du plus froid égoïsme. Il tourne avec la fortune, flattant ceux qu’elle flatte, laissant de côté ceux qu’elle abandonne, calculant toujours s’il est de son intérêt de se montrer raide ou souple, avare ou généreux, traître ou fidèle. Mettre la division là où elle le sert, séparer les parents et les amis, susciter des haines et des inimitiés mortelles entre les familles au pouvoir, faire tour à tour agir les ressorts de la vérité et du mensonge, de la louange et de la calomnie, du dévouement et de l’ingratitude, tels sont ses moyens d’action les plus habituels.

« Sachant qu’en Corée, le cœur des grands ne s’épanouit que lorsqu’on repaît leurs yeux de la vue des sapèques, il est à la quête de tous les gens en procès, de tous les criminels, de tous les ambitieux de bas étage, leur offre son entremise et leur promet son crédit, moyennant une bonne somme pour lui-même, et une plus grosse encore pour le maître dont il doit faire intervenir la puissance. L’argent une fois payé, les rustres, par son