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de chefs, sous-chefs, censeurs, inspecteurs, etc. Ils parlent un langage de convention pour se reconnaître entre eux, se saluent partout où ils se rencontrent, et se prodiguent les marques extérieures du respect le plus cérémonieux. Ils sont soumis à des règles sévères, et leurs chefs punissent eux-mêmes, quelquefois de mort, les crimes et délits commis par les confrères. Ils prétendent que le gouvernement, n’a pas le droit de se mêler de leurs affaires, et jamais on n’en a vu aucun demander justice à un mandarin. Ils passent généralement pour probes et honnêtes, et les paquets ou ballots qu’on leur confie pour les provinces les plus éloignées, sont fidèlement remis à leur adresse.

Ils sont insolents vis-à-vis du peuple, et se font redouter même des mandarins. Quand ils croient avoir à se plaindre d’un affront, d’une injustice quelconque, ils se retirent en masse du district ou de la ville, et leur retraite arrêtant le commerce et empêchant la circulation des marchandises, on est obligé de parlementer avec eux et de subir leurs conditions, après quoi ils reviennent plus fiers que jamais.

La corporation la plus méprisée est celle des valets de bouchers ou abatteurs de bœufs. Le bœuf étant un animal absolument nécessaire pour la culture et le transport des fardeaux, une loi très ancienne défend de le tuer sans permission du gouvernement, et l’opinion publique, d’accord avec la loi, regarde l’acte de tuer le bœuf comme le plus avilissant de tous. Les abatteurs de bœufs forment donc une classe à part, plus dégradée aux yeux de tous que les esclaves eux-mêmes. Ils ne peuvent demeurer dans l’intérieur des villages ; ils vivent en dehors de la population, qui les repousse avec horreur, et ne se marient qu’entre eux. C’est parmi eux que sont pris les exécuteurs des hautes œuvres. Seuls ils ont le droit d’abattre les bœufs, et tout autre Coréen qui le ferait serait chassé de son village et de sa famille, et forcé de se réfugier chez eux. Il est bon de noter en passant que le mépris public n’atteint que ceux qui tuent l’animal, et nullement les bouchers qui en vendent la viande. Ceux-ci sont de gros personnages nommés par les mandarins, auxquels ils payent un impôt très lourd afin de conserver leur monopole.