Page:Lautreamont - Chants de Maldoror.djvu/310

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nous sommes deux à nous contempler les cils des paupières, vois-tu… et tu sais que plus d’une fois a retenti, dans ma bouche sans lèvres, le clairon de la victoire. Adieu, guerrier illustre ; ton courage dans le malheur inspire de l’estime à ton ennemi le plus acharné ; mais Maldoror te retrouvera bientôt pour te disputer la proie qui s’appelle Mervyn. Ainsi, sera réalisée la prophétie du coq, quand il entrevit l’avenir au fond du candélabre. Plût au ciel que le crabe tourteau rejoigne à temps la caravane des pèlerins, et leur apprenne en quelques mots la narration du chiffonnier de Clignancourt !

V

Sur un banc du Palais-Royal, du côté gauche et non loin de la pièce d’eau, un individu, débouchant de la rue de Rivoli, est venu s’asseoir. Il a les cheveux en désordre, et ses habits dévoilent l’action corrosive d’un dénûment prolongé. Il a creusé un trou dans le sol avec un morceau de bois pointu, et a rempli de terre le creux de sa main. Il a porté cette nourriture à la bouche et la rejetée avec précipitation. Il s’est relevé, et, appliquant sa tête contre le banc, il a dirigé ses jambes vers le haut. Mais, comme cette situation funambulesque est en dehors des lois de la pesanteur qui régissent le centre de gravité, il