Page:Lautreamont - Chants de Maldoror.djvu/41

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J’entends dans le lointain des cris prolongés de la douleur la plus poignante.

— Mon fils, ce sont là des confidences exceptionnelles ; je plains ton âge de les avoir entendues, et j’espère que tu n’imiteras jamais cet homme.

— Parle, ô mon Édouard ; réponds que tu n’imiteras jamais cet homme.

— Ô mère, bien-aimée, à qui je dois le jour, je te promets, si ta sainte promesse d’un enfant a quelque valeur, de ne jamais imiter cet homme.

— C’est parfait, mon fils ; il faut obéir à sa mère, en quoi que ce soit.

On n’entend plus les gémissements.

— Femme, as-tu fini ton travail ?

— Il me manque quelques points à cette chemise, quoique nous ayons prolongé la veillée bien tard.

— Moi, aussi, je n’ai pas fini un chapitre commencé. Profitons des dernières lueurs de la lampe ; car, il n’y a presque plus d’huile, et achevons chacun notre travail…

L’enfant s’est écrié :

— Si Dieu nous laisse vivre !

— Ange radieux, viens à moi ; tu te promèneras dans la prairie, du matin jusqu’au soir ; tu ne travailleras point. Mon palais magnifique est construit avec des murailles d’argent, des colonnes d’or et des portes de diamant. Tu te coucheras quand tu voudras, au son d’une musique céleste, sans faire ta