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Page:Lauzun - Le Château de Bonaguil en Agenais, 1897.djvu/93

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DE BONAGUIL

gon comprit que le Roi était décidé à confisquer tous ses domaines qu’il finit, la rage au cœur, par se rendre à Castelnau, le 10 décembre 1493, pour accomplir l’acte qui lui était prescrit :

« Et ledit Bringon se transporta au devant de la porte de la ville. Il lit appeler le commissaire et déclara qu’il était là pour obéir à la volonté du Parlement et exécuter son arrêt.

« Les Consuls se présentèrent et dirent que ce n’était pas là le lieu, et qu’il fallait que le seigneur se transportât au milieu de la place comme ses devanciers. Bringon répondit qu’Hélène de Castelnau s’était acquittée de ce soin devant cette porte et qu’il ne pouvait se rendre sur la place pour deux raisons : l’une qu’il était mort depuis peu dans la ville plusieurs habitants de la contagion, la seconde que sa personne n’y serait pas en sûreté.

« Le commissaire ordonna que, vu les circonstances, sans préjudice des droits des parties, ni sans faire aucune innovation, le baron exécuterait les coutumes et l’arrêt à l’endroit où il se trouverait. Et à l’instant celui-ci se mit à genoux et jura sur le Te igitur, la croix et les saints évangiles, l’exécution de la coutume et de l’arrêt, dans la forme précédemment rapportée.

« En même temps les huits Consuls se mirent à genoux, et nommés l’un après l’autre par leurs noms et prénoms, ils prêtèrent le même serment et jurèrent fidélité au baron. Ensuite ils déclarèrent qu’ils étaient payés de la somme de 300 livres portée en l’arrêt, qu’ils avaient aussi reçu l’argent nécessaire pour faire rétablir les mesures, mais qu’ils se réservaient la remise dans la prison de Cahors des vingt-cinq criminels qui les avaient brisées et avaient saccagé la ville. Le seigneur répondit que l’un d’eux était mort de ses blessures, que trois avaient disparu à la suite de cette affaire et qu’il offrait de remettre les autres.

« Sur quoi, le commissaire ayant clos le procès-verbal d’exécution, les parties se séparèrent[1]. »

Si nous nous sommes si longuement étendu sur cette affaire, c’est qu’elle nous montre combien étaient tenaces dans leurs justes revendications les consulats des villes, c’est-à-dire les représentants de la petite noblesse, de la bourgeoisie et du peuple ; avec quelle audace ils ne craignaient pas de lutter contre les plus puissants barons du royaume, surtout lorsqu’il s’agissait de la défense de leur libertés communales ; quelle indépendance enfin et quelle impartialité mettaient

  1. Inventaire des titres de la baronnie de Castelnau. Acte retenu par Pons Jacobo, notaire de Castelnau.