Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/116

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tes éclatèrent entre elles. Réciproquement, elles se jetaient à la tête les plus grossières insultes, se menaçant presque de la voix et du geste. A leurs cris, Jean, abandonnant ses élèves, accourait, éperdu, se placer entre elles, s’efforçait en vain de les apaiser, accusé de partialité outrageante par l’une et par l’autre dont les reproches tombaient ensemble sur lui.

Les tristes journées et les heures encore plus tristes qu’il passait, chaque soir, entre ces créatures qui lui étaient chères toutes les deux, mais dont les visages froids et haineux ne se déridaient jamais ! Il n’avait même plus la consolation de pouvoir se livrer seul à ses sombres pensées, dans sa classe, après la sortie de ses élèves. Non, il devait être toujours là : quand il était près d’elles, du moins elles se taisaient.

Mais son travail le retenait en bas six heures par jour. Le matin, il était moins inquiet, car Louise demeurait au lit jusqu’à onze heures, autre prétexte pour Caussette de grommeler dans sa chambre, contre la paresse de sa bru. Pendant l’après-midi, il était toujours sur le qui-vive. Tout en expliquant une leçon ou en corrigeant un devoir, il prêtait l’oreille à ce qui se passait au-dessus de lui, dans la cuisine où les deux femmes étaient en présence. A part les trottinements et les éclats de rire de Rose et de Paul, souvent un grand silence régnait, car Louise et Caussette, sauf pour se chamailler, ne s’adressaient presque plus la parole. Puis c’était parfois, brusquement, un murmure de voix âpres qui s’enflaient et il se hâtait de tout abandonner pour aller calmer les deux femmes querellantes.

— Mon Dieu ! mon Dieu ! — soupirait-il, — pourvu que mes élèves ne finissent pas par comprendre et par raconter tout cela à leurs parents.

Et, très malheureux, il en oubliait ses soucis d’argent et se jetait aux genoux de sa femme et de sa mère, les suppliant