Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/164

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Et tous de rire dans l’orgueil du triomphe.

Pendant ce temps, ce que devenait Coste, on le devine. Jusqu’à la dernière heure, malgré l’abandon de M. Rastel, il s’était raccroché à l’espoir tenace que l’on garde même dans l’imminence d’un danger terrible.

Le résultat connu, il en fut atterré. Le malheureux garçon n’en revenait point ; il croyait rêver et ne cachait pas son ahurissement. Dans la salle où il se trouvait, déjà menaces ou allusions brutales pleuvaient dru sur lui. Sans pitié, les vainqueurs riaient de sa mine déconfite. Un quidam vint se placer sous son nez, le dévisagea d’un air narquois et lui dit, grossièrement et à brûle-pourpoint :

— Toi, tu peux prendre ton sac et tes quilles. Tes deux cent cinquante francs du secrétariat ont fait le plongeon. Comme ça, tu mangeras moins de côtelettes !

Coste était trop malheureux et trop fonctionnaire ; il n’osa relever d’un coup de poing bien appliqué cette goguenarderie méchante. Il s’enfuit dans son logement pour y cacher ses transes.


Durant ces derniers temps, il avait été relativement si heureux et si tranquille. Certes, malgré toutes ses prévisions, l’argent mis de côté dans l’armoire s’en était allé vite en ces menues dépenses auxquelles on ne pense guère et qui obèrent si souvent le budget du petit fonctionnaire. Néanmoins si tout juste on arrivait à nouer les deux bouts, quelques écus restaient encore en réserve et on était sans tracas. Coste n’ayant plus aucune dette respirait librement et avait repris toute son assurance et son insouciance anciennes.

Louise mieux soignée, mieux nourrie, avait peu à peu retrouvé plus de santé. Elle pouvait faire de longues promenades et, à cet exercice salutaire, ses pâles couleurs s’avivaient des frêles rougeurs d’un sang moins appauvri. Il en était de même de ses palpitations de cœur, de plus en plus rares