Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/173

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merçants, etc. trouvaient assez de meurt-de-faim à qui s’adresser sans avoir besoin de recourir à une personne étrangère à leur localité.

Coste, éconduit de partout, se creusa la tête. Il fallait aviser à un moyen. Il crut enfin avoir trouvé. Voici comment :

Par jour, il faisait les six heures de classe réglementaires, le matin de huit heures à onze heures, l’après-midi de une à quatre. A l’exemple d’un grand nombre de ses collègues, il résolut d’établir des études surveillées, l’une de onze heures à midi, l’autre de quatre à six et de demander aux parents une légère rétribution. Il s’étonna de ne pas y avoir songé plus tôt. Le salut était sûrement dans cette petite innovation. En outre, ce ne serait même pas pour lui un surcroît de travail, car tout en surveillant ses élèves dans la classe ou dans la cour, il corrigerait les devoirs, préparerait les leçons du lendemain, toutes choses qu’il faisait d’habitude avant de se coucher. Les jours étant très longs, on pourrait quand même continuer les promenades, quitte à dîner un peu plus tard : « Bonne idée », se disait Jean. Et, prompt à espérer, il se flattait que chaque père de famille, plutôt que de laisser vagabonder son fils dans les rues ou aux entours de Maleval, consentirait volontiers un petit sacrifice. Afin de ne rebuter personne, il décida qu’il n’exigerait que cinq centimes par jour et par élève. D’après ses calculs, il devait retirer ainsi de vingt à vingt-cinq francs par mois, c’est-à-dire ce que lui rapportait jadis le secrétariat de la mairie.

Consultées, une douzaine de familles acceptèrent la combinaison. Ce premier résultat ne laissa pas que d’encourager l’instituteur, qui se livra à d’heureuses conjectures. Mais, contrairement à ses prévisions, le nombre des « surveillés » resta stationnaire, puis diminua vite. Il advint, en effet, que certains pères de famille furent ennuyés de verser un sou par jour, ce qui représentait au bout de l’année près de quinze francs. Sous diverses prétextes, ils retinrent leurs