Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/179

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veille, s’éveillaient côte à côte avec des regards hostiles, défiants, s’abordaient avec des bouderies pendant lesquelles mûrissaient d’autres sujets de mésintelligence. Et pour un rien, pour une tisane mal chauffée, pour une assiette ou une tasse brisée, on recommençait. Ainsi s’enfuyaient la confiance et la paix du cœur.


XXVI

De ses sorties dans le village, Coste rentrait souvent le cœur ulcéré. Il devinait aux regards des gens qu’on glosait, comme autrefois, de sa gêne et de ses ennuis. Il sentait, autour de lui, comme un réseau, une hostilité croissante, surtout de la part des conservateurs, qui le traitaient comme leur victime, sans pitié, en ennemi. Son amour-propre saignait du peu de considération qu’on lui montrait, des allusions qui soufflettent, des mots qui se chuchotent, des sourires qui insultent. Les fournisseurs mal payés redevinrent durs, arrogants, féroces, depuis qu’ils ne croyaient plus à l’héritage des trois mille francs. De dépit, ils laissaient de côté toute prévenance de marchand, mettaient à découvert leur brutalité contre ce monsieur, qui n’était décidément qu’un misérable gueux à qui ils faisaient presque l’aumône. Jean, malgré ses révoltes, endurait tout ; mais il s’affolait parfois devant la situation sans issue.

Les promenades avec Rose et Paul pour paître Mémé ne l’arrachaient point à ses préoccupations ; au contraire, elles ne lui rappelaient que plus amèrement les quelques mois où il avait été heureux, confiant en l’avenir si sombre désormais.