Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/180

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Souvent, assis sous un chêne, dans le silence de la combe, il rêvassait vaguement, s’attendrissant et s’apitoyant sur lui et sur les siens. Comme à plaisir, il évoquait d’autres douloureuses pensées. S’il mourait, pensait-il, que deviendraient en ce dénuement Louise malade, presque impotente, et les quatre enfants ? Pour eux, la mendicité, et, une fois la mère vite morte à l’hôpital, les bébés élevés, sans affection, dans un hospice ou un orphelinat quelconque, puis jetés plus tard isolés dans la vie marâtre.

Les chants de quelques vendangeurs, le bruit strident des charrettes dont les essieux empoussiérés crient et grincent sous le poids des comportes pleines de raisins pressés et qu’on va vider dans la cuve à fouler, traversaient le silence et tiraient Coste de son abattement. Alors il se soulevait, et devant l’activité de tout le village, occupé aux vendanges qui battaient leur plein, il se révoltait contre les exigences de sa « noble » profession. Il était jeune, il était fort et, pendant ces longs jours de vacances, il devait rester les bras croisés, dans l’inaction. Sa dignité l’y obligeait. Il avait le plus grand besoin d’argent et il n’avait pas le droit d’en gagner, lui, fils de paysans, grandi au milieu des travaux de la glèbe, en se louant comme vendangeur pour un salaire de trois à quatre francs par jour ! Non, c’était défendu ; il fallait se contenter des cinquante-deux sous qu’on lui payait pour ne rien faire durant ces cinq ou six semaines. Ces paysans, qu’il enviait, auraient eux-mêmes trouvé étrange, ridicule, qu’il travaillât comme eux de ses mains.

Amèrement, il songeait à cela sous les ciels admirables de septembre, par ces splendides journées qui, de l’aube au crépuscule, invitent aux labeurs des champs, bourdonnent de l’animation joyeuse des vendanges.

Chaque matin, il mettait en ordre le ménage et encore ce travail ne lui était permis que parce qu’il le faisait à l’abri des regards, entre quatre murs ; puis, dans l’après-midi, il