Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/191

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torité, pétri de ce respect même, il en arrivait à espérer, comme tant d'autres, en ces temps nouveaux où se lèverait sur les humbles et les déshérités le soleil de l'universelle justice.

XXXII

Et, autour de lui, il sentait toujours aussi peu de pitiés; rien que des regards dédaigneux ou hostiles. Les fournisseurs, le traitant de haut, lui refusaient parfois, pleins de mépris, leurs marchandises :

— Payez-nous, — disaient-ils arrogants, — nous vous avons trop longtemps fait crédit.

Il subissait ces avanies, s'en retournait tête basse, loque humaine que n'agitaient plus que de courtes révoltes. On ne lui pardonnait rien.

Par ces rudes jours de l'hiver, afin d'économiser sur le bois et le charbon, Coste, après la sortie des élèves, faisait descendre les siens dans la classe chauffée. Trop probe pour détourner une seule pelletée de houille, pour prendre au tas communal une seule bûche, il croyait avoir le droit, en l'absence des élèves, de faire jouir les siens de la douce tiédeur d'une salle où il y avait eu du feu pendant les trois quarts de la journée.

On le sut. D'où cancans dans le village et accusation formelle de se chauffer aux frais de la commune.

M. le maire Piochou en fit aussitôt l'observation à Coste et, peu habitué aux euphémismes, il le qualifia presque brutalement de voleur.

Une flamme de colère alluma le regard de l'instituteur. Il faillit se jeter, les poings fermés, sur le maire.