Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/73

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pareilles allures et par l’attitude méfiante de sa belle-mère, murmurait avec colère : « Oh ! la sale avare, la mauvaise ! » Caussette, assise sur sa malle, la porte fermée, marmonnait de son côté, tout aheurtée à son idée fixe : « Elle veut me voler, elle me volera, cette péronnelle ! »

Aussi, le soleil avait beau resplendir dans un ciel bleu, faire succéder, à des jours pluvieux ou glacials, des jours attiédis, lumineux, charriant des promesses printanières, comme en ont souvent les hivers méridionaux, Caussette se gardait bien de descendre l’escalier, d’aller s’asseoir en un de ces bagnards, abrités du vent, où les vieilles gens du Midi se plaisent à lézarder, les yeux clos, les mains jointes, humant délicieusement la douce chaleur vivifiante.

Parfois Jean, apparaissant tout d’un coup, lui disait avec le ton humble de l’enfant coupable :

— Mère, il fait si bon au soleil ; pourquoi ne descendezvous pas ?… Vous seriez si bien, assise sur le perron. Caussette répondait d’une voix pateline à dessein et en grimaçant un sourire :

— Non, mon enfant ; les jambes me font mal de mes douleurs… Je préfère rester auprès du feu.

Jean redescendait. Alors l’aveugle reprenait son air sombre et méchant :

«  Oui, pensait-elle, pour que ta mangeuse de femme en profite pour me voler. »

Rose et Paul, par contre-coup, supportaient la mauvaise humeur de Caussette. Elle les caressait moins qu’autrefois, se méfiant même d’eux, se figurant que sa bru la faisait espionner par ses petits-enfants. Si bien que lorsqu’elle se trouvait dans sa chambre, manigançant on ne sait quoi, elle criait après eux, les repoussait durement dès que, curieux, ils entre-bâillaient la porte.

Les pauvres mignons, éperdus, semblaient ahuris de la brusquerie de leur grand’mère.